08. Célie, une carrière riche et multiple.

Célie des écoles

L’École aujourd’hui

Dès son arrivée en France, Célie est embauchée comme enseignante dans une école élémentaire privée bilingue du 16e arrondissement. Les parents sont des familles aisées qui ont des professions qui les occupent beaucoup ce qui les rend peu disponibles pour leurs enfants. L’école devient un peu le lieu qui fait famille et où ils reçoivent leur éducation.

Célie aime enseigner, mais elle voudrait le faire plus librement et se sent limitée par une conformité sociale.

Plusieurs autres institutrices ressentent des frustrations semblables et huit d’entre elles se réunissent durant six mois, le soir, pour élaborer ensemble un projet d’ouverture d’une école qui soit différente. Ce projet, suivant le principe énoncé par Célestin Freinet et par Caleb Gattegno, replace l’enfant au cœur du système éducatif, il faut que l’enseignement soit subordonné à l’apprentissage. L’enseignant n’enseigne pas, il laisse apprendre. Quand il y a une décision à prendre ; la question à se poser n’est pas de savoir ce que les adultes y trouvent comme avantage mais ce qui est bon pour l’enfant.

       Avec l’enthousiasme des porteuses de projet, elles décident d’appeler leur nouvelle école « l’École Aujourd’hui » – A school for today – qui ouvre dès 1975, au 24 boulevard Edgar Quinet, dans le 14e arrondissement. Les classes correspondent à celles l’école primaire. Le contenu de l’enseignement est conforme au programme officiel mais il utilise des outils issus de la pédagogie nouvelle.

      Elles s’interrogent et s’inquiètent d’une part de savoir quels parents vont confier leurs enfants à une école qui vient d’ouvrir et d’autre part, quel type d’enfants elles vont avoir à scolariser. Certainement ceux qui ont été rejetés par toutes les écoles existantes, tous ces petits génies méconnus et non scolarisables de Paris.

La « causette ».

     La « causette » est un exemple d’une innovation inventée par l’Ecole Aujourd’hui pour structurer le début de la journée.

Dans les écoles traditionnelles, le début de la journée est une transition difficile pendant laquelle l’enseignant essaye de capter l’attention des élèves malgré les perturbations causées par les retardataires.

      L’innovation a été de reconnaître le besoin d’une période de transition et de la structurer. La première demi-heure de la journée est consacrée à « la causette », pendant laquelle les enfants prennent la parole à tour de rôle et disent quelque chose qui les concerne ce matin-là. Tout est accepté à condition que cela les concerne directement (et non pas ce qu’ils ont vu à la télévision). Il ne doit pas y avoir de réponse, pas de dialogue, seulement une expression de soi.

Cela permet aux retardataires de rejoindre le groupe et de s’y intégrer progressivement. Mais on remarque qu’ils sont de moins en moins nombreux car les élèves sont très attachés à cette « causette » qui leur offre un temps d’expression personnelle unique dans la journée. Dans beaucoup d’entreprises, le partage du café du matin joue le même rôle.

L’apprentissage de l’anglais avec la méthode : « The Silent Way ».

      A l’Ecole Aujourd’hui, Célie est responsable de l’apprentissage de la langue anglaise à tous les niveaux. Cet apprentissage est souvent déficient, particulièrement en ce qui concerne la prononciation. En France, on rencontre beaucoup de personnes qui prononcent l’anglais « à la française », comme si les lettres de l’alphabet codaient les mêmes sons en anglais qu’en français. Ces personnes sont difficilement intelligibles et professionnellement handicapées.

Célie s’inspire d’une méthode qui code les sons par des couleurs. On sait que notre mémoire visuelle est bien meilleure que notre mémoire auditive. Pour tirer parti de cette différence, « Words in Color » représente tous les sons qui existent dans toutes les langues par des rectangles de couleur placés sur des grands tableaux. Certains sons n’existent que dans certaines langues, les tableaux correspondants en tiennent compte et ne montrent que les sons utilisés. L’enseignante n’a qu’une baguette avec laquelle elle pointe en succession les rectangles sélectionnés pour faire un mot et c’est l’élève qui parle – d’où le nom de cette méthode : « The Silent Way ».

Elle est utilisée dès la maternelle, avant que l’écrit vienne corrompre la prononciation des petits mots. Elle est bien adaptée pour les élèves qui ont été bloqués par une prononciation alphabétique de l’anglais.

Les ateliers.

     L’Ecole Aujourd’hui a l’ambition de proposer des ateliers par lesquels les élèves peuvent s’épanouir dans des activités non scolaires. Célie et moi -proposons un atelier « mécanique » utilisant le carton ondulé comme matériau et un atelier « chimique » où nous faisons croître des cristaux.

Tous les garçons choisissent l’atelier mécanique et toutes les filles, l’atelier cristaux, ce qui montre l’influence de conformité sociale.

      Nous réunissons le groupe « mécanique-carton », constitué de garçons, et nous leur demandons quel objet ils voudraient fabriquer.

Le premier élève n’a aucune idée, le second non plus. Le troisième dit « je veux faire un sous-marin », un autre élève ajoute « un sous-marin qui monte et qui descend »,  puis « un sous-marin qui monte et qui descend et avec des lumières ».

 Nous sourions, nous n’avons pas bien défini l’objectif et les limites. Nous expliquons que nous n’avons à disposition que du carton et des ciseaux et qu’il faut que l’objet soit réalisable avec ce matériau. On leur propose de commencer par faire deux roues. Il faut déjà parvenir à les dessiner et à les découper. 

Les premières tentatives révèlent deux obstacles. Pour les élèves les plus jeunes, la découpe du carton demande une force manuelle excessive et il est plus satisfaisant de découper des pièces dans du papier ou du Bristol. Pour tous, la principale difficulté réside dans la conception d’un assemblage dans un espace continu à trois dimensions. Habitués des assemblages pré-pensés du type LEGO, avec lesquels il suffit d’essayer toutes les configurations relatives afin de trouver empiriquement celle qui convient, ils sont démunis devant un matériau simple et anisotrope comme le papier.

      Avec le groupe de filles, « croissance de cristaux », c’est un peu la cuisine.  Il faut dissoudre dans l’eau des sels colorés et puis verser les solutions transparentes dans des bocaux qu’on laisse refroidir lentement. Il faut être présente quand se forment les premiers cristaux, puis aller à la pêche aux cristaux pour attraper le plus gros et l’attacher au bout d’un fil. Si la capture réussit, l’élève peut plonger le germe (nageur captif) dans une solution sans cristaux mais assez concentrée pour qu’il grossisse. Si la concentration est bien choisie le germe capture la plus grande part du sel dissous et prend la forme d’un monocristal. Certaines opérations de dissolution et croissance produisent des cristaux de taille et de formes impressionnantes.

Mon seul regret est l’utilisation de poudres qui peuvent paraître « magiques » , parce qu’on se les ai procurées à la pharmacie, comme le ferrocyanate de potassium, alors qu’il aurait été plus instructif de faire cristalliser des produits courants.

Les classes vertes

L’Ecole Aujourd’hui délocalise quelques classes à la montagne par des dispositions analogues à celles des « classes vertes » des écoles publiques, car même avec une localisation proche d’un espace « vert », on étouffe un peu à Paris.

Ces épisodes de vie collective renforcent l ‘idée selon laquelle l’école est une seconde famille pour les enfants qui la fréquentent, et aussi pour les enseignantes, dont l’engagement personnel est total.

Conclusion sur l’Ecole Aujourd’hui.

       Cinquante ans après sa création, L’Ecole Aujourd’hui continue d’exister et d’accueillir environ 140 enfants, toujours dans les mêmes principes voulus par son équipe de huit fondatrices bilingues, dont Célie.

Cela témoigne d’une forme de réussite dont elle aurait pu se satisfaire, restant dans cette carrière jusqu’à sa retraite, selon un schéma classique.

Cependant, après de huit ans d’enseignement et de co-direction d’école, Célie décide de se réorienter vers une seconde carrière, dans le domaine de la psychologie.

Célie psychologue

Introduction

Célie n’ayant laissé que peu de trace matérielle sur son travail, je me lance ici à présenter à sa place ce que j’en ai compris et appris au quotidien. Elle consultait à domicile de sorte que j’ai pu croiser ses patients. Mais surtout, nous en avons énormément discuté ensemble et elle m’a expliqué les grands principes.

Comment Célie en est venue à changer de carrière.

      On peut légitimement se demander pourquoi une jeune femme qui s’intéresse à la pédagogie et à l’éducation, qui s’est investie dans ce domaine au point de créer sa propre école et qui a réussi, quitte son métier après seulement huit ans d’exercice.

       Je dirais que c’est parce que son père, à la naissance du deuxième enfant, lui fait comprendre comprendre qu’il serait préférable qu’elle arrête de travailler à l’extérieur de la maison et garde un maximum de temps pour se consacrer à sa vie de famille.

     Mais au-delà de cela, il est vrai qu’elle s’était toujours intéressée aux particularités des différentes personnalités et que ce métier lui a parfaitement convenu.

Célie avait une immense empathie, qualité nécessaire pour être une bonne psychologue, ce qu’elle a été.

Pour elle, tout être humain, même un parfait salaud, restait un cas intéressant à étudier. Toute relation l’intéressait dans son fonctionnement. C’est grâce à l’analyse fine de ces relations, qu’elle a pu réaliser des miracles comme de sauver une jeune femme des griffes d’un pervers.

Elle n’a pas regretté d’avoir changé de métier et je crois qu’elle a vraiment réalisé tout son talent dans cette voie, où elle était unique. 

Le fait de travailler à la maison ne l’a pas isolée socialement puisque les gens venaient à elles – et ils étaient nombreux. Cela n’a pas fait d’elle une femme au foyer se consacrant exclusivement à sa vie familiale.

Elle a tout fait ! Elle a même été marieuse, c’est-à-dire qu’elle a mis en relation un de mes étudiants avec la fille d’un de ses clients. Elle savait trouver les complémentarités entre les êtres.

Sa nouvelle façon de pratiquer le Dialogue Intérieur

      De même que dans le domaine de la pédagogie Célie ne s’est pas satisfaite des modèles existants et a éprouvé le besoin de créer sa propre école, elle va se réapproprier la méthode du Dialogue Intérieur.

       Célie n’a pas fait de formation universitaire en psychologie. Son intérêt pour le Dialogue Intérieur est né d’une rencontre avec une voisine à Los Angeles. Après la naissance de Guillaume, elle retourne pour trois mois dans cette ville afin de présenter le bébé à ses parents.  La voisine, Marta-Lou Wolf voit arriver sa fille avec une nouvelle coupe de cheveux très provocante. Célie est très impressionnée par la manière dont celle-ci évite le conflit avec elle, en lui disant simplement : « ce qui compte c’est comment tu te sens » . Elle questionne alors Marta-Lou pour savoir comment elle fait pour accepter la situation et le montrer avec ce calme. La voisine lui dit pratiquer le Dialogue Intérieur, une méthode qui se développe rapidement en Californie.

      Célie décide de participer à des réunions animées par Sidra Stone, psychologue clinicienne et une psychothérapeute, qui a développé avec son second mari, Hal Stone, la Psychologie des Subpersonnalités et de l’Ego Conscient et le Voice Dialogue, méthode privilégiée d’exploration de ces subpersonnalités.

      Selon cette méthode, notre Psyche est faite d’un ensemble de sous-personnalités (en français on les appelle des voix, en anglais selves) dont certaines sont dominantes et ont le droit de s’exprimer, et d’autres sont reniées et cachées aux gens qui nous entourent.

Le travail de psychothérapie consiste à faire parler ces voix, en commençant par celles des sous-personnalités dominantes mais aussi en écoutant aussi celles des sous-personnalités reniées.

     Dans cette pratique, on analyse les selves dominants et à leur donner un nom puis les questionner pour obtenir leurs points de vue sur la vie de la personne. Puis on peut demander aux selves dominants s’ils acceptent qu’on interroge un self renié, car ce sont toujours les selves reniés qui font des dégâts.

      Célie trouve une faille dans cette pratique, c’est que le fait de donner un nom à un self a une influence énorme sur l’issue de la thérapie. Elle pense qu’il ne faut pas laisser un self biaiser le système en sa faveur.

     Pour contrer ce biais, elle propose d’utiliser des selves neutres à partir de ceux qui sont proposés par J.Tamar Stone, psychothérapeute en dialogue intérieur, qui a créé le système Selves in a Box, une sorte jeu de cartes proche du Tarot à l’usage des thérapeutes. Chaque carte correspond à un des archétypes les plus courants.

Célie essaie de construire les selves de manière la plus neutre possible en évitant de se faire tromper par le nom choisi par le self. Pour cela elle interview la personne qui est engagé dans un processus d’ aware ego [1]

Célie présente son groupe lors d’une conférence.

Qui sommes-nous ?

Nous sommes un (très) petit groupe de praticiens qui aiment se retrouver pour confronter plusieurs approches de la Psychè.

D’où venons-nous ?

Ce que nous devons à la Gestalt : le Dialogue intérieur est une approche jungienne, qui reconnaît que notre PSYCHE est composée de parties (en Anglais self, selves, en Français voix, parties) qui interagissent comme des petites personnes, mais qui sont plus simples que des vraies personnes car chaque voix n’a qu’une seule polarité, allant de ce qu’elle veut réaliser, à ce qu’elle veut empêcher. Certaines voix sont très bien connues : « Pusher » veut pousser jusqu’aux limites, « Critique » demande la conformité sociale complète, « Knower » veut tout savoir.

Célie nous a appris comment engager le dialogue avec une partie et comment rester en contact avec cette partie. Elle nous a donné l’exemple d’une détermination farouche à rester dans le présent. Elle nous a rendus attentifs l’émission de signaux par lesquels les parties essayent d’attirer l’attention du Moi.

Ce que nous devons au Dialogue Intérieur, c’est le processus du « Moi Conscient » par lequel pratiquant peut équilibrer les influences relatives des parties de sa la Psychè entre les parties dominantes (il faut mériter leur confiance) et les parties reniées (il faut écouter leurs messages) . Notre approche se caractérise aussi par l’attention payée aux signes et signaux, et par l’utilisation systématique des rêves.

Comment travaillons-nous ?

Notre pratique. Nous ne voulons pas imposer un cadre unique pour toute l’interaction avec le/la patient(e).  C’est le patient, ou une partie du patient qui oriente l’interaction, qui fournit les noms que nous allons utiliser, et qui nous pousse vers l’utilisation de l’un des outils que nous extrayons de notre sac. Lorsque nous utilisons les rêves, c’est le patient, ou une partie du patient qui oriente l’entrevue du rêve vers la réalité du rêve.,

Nous avons créé notre propre boite à outils, dans laquelle les outils « VD « coexistent avec les outils Gestalt. La Gestalt nous dit comment faire : par exemple, remarquer des petits détails dans l’habillement ; ces détails peuvent être des points d’entrée dans la Psychè.

Nous passons notre temps à rire  Le rire valide le chemin qui a été suivi pour arriver au but initialement fixé pour la thérapie. Ce chemin est rarement prévisible, d’où le rire

Où allons-nous ?

L’hypnose pourrait compléter la panoplie des techniques que nous utilisons dans des cas difficiles (sevrage tabagique, surexposition à l’alcool)


https://www.voicedialogueinternational.com/FAQ/What_is_the_difference_between_the_Ego_and_the_Aware.htm